Megalomyrmex wallacei

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claviger
(@claviger)
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Début du sujet
 

Dans l’humide forêt, sous les sombres feuilles,

Les tyrans écarlates se meuvent promptement.

Leur veste flamboyante attire vite l’œil ;

Ce sont là les folles, oui, les mégalomanes !

 

 

01/04/2021

Bonjour, bonjour, bonjour !

Si tout se passe correctement, il est fort probable que je reçoive un certain colis demain ; afin de combler au mieux mon impatience, je commence la rédaction du premier billet de ce blog.

A l’heure où j’écris ces lignes, je ne sais toujours pas ce que je vais recevoir ; cette colonie n’est désignée que comme « Megalomyrmex sp. ». La surprise sera entière, comme c’est plaisant !

Puisque je ne connais pas le petit nom de ces despotes carmines, je ne vais faire pour l’instant qu’une présentation globale du genre Megalomyrmex.

Ce genre est assez bien défini taxonomiquement, ce qui constitue une agréable surprise pour des fourmis méconnues évoluant dans la litière forestière néotropicale. Les Megalomyrmex se retrouvent donc dans les zones tropicales du Nouveau Monde, et l’on compte 45 espèces décrites à l’apparence homogène de « Solenopsis aux antennes de Pheidole ». Ces taxons se répartissent en quatre groupes, à savoir :

  • Le groupe pusillus, dans lequel on trouve de petites espèces, parfois aussi peu que 2 millimètres.
  • Le groupe modestus, dont les membres présentent très justement une stature modeste ; aux alentours de 4 ou 5 millimètres le plus souvent.
  • Le groupe leoninus, comportant des monstres pouvant dépasser le centimètre (c’est d’elles qu’a été inspiré le grandissime nom du genre !).
  • Le groupe silvestrii, dans lequel on trouve des xénobiontes ou prédatrices obligatoires ou facultatives d’Attini champignonnistes.

La plupart des Megalomyrmex sont des chasseuses, ou alors des éleveuses de pucerons ; dans tous les cas (à l’exception du groupe silvestrii) elles tirent leur pitance de la litière forestière ou de la basse végétation. Le comportement est très variable selon les espèces, voire les colonies… Tantôt le recrutement est très important, tantôt le fourragement est solitaire ; tantôt la colonie est agressive et dominante, tantôt elle se fait discrète.

La démographie coloniale n’est pas excessive, de l’ordre de plusieurs centaines d’ouvrières par nid. A propos de ces nids, ils ne sont pas très élaborés ; en réalité, ce sont souvent des bivouacs informes à l’architecture inexistante, rapidement délaissés par les déménagements relativement fréquents. Un mode de vie plus ou moins nomade entraîne parfois une adaptation physique des gynes, et c’est plus ou moins le cas ici ; chez le groupe leoninus (parfois également dans les groupes modestus et silvestrii), les gynes sont en effet ergatoïdes, et ressemblent à des ouvrières dotées d’un thorax subtilement plus épais et un gastre volumineux.

Chez un certain nombre d’espèces, il existe un moyen de défense original : les ouvrières sont capables de basculer leur gastre aussi bien latéralement que par le dessus ou le dessous, en laissant suinter du bout de leur aiguillon une perle d’un venin hautement répulsif. Grâce à celui-ci, elles n’ont aucun mal à se protéger contre les attaques des autres fourmis. A titre d’anecdote, la xénobionte Megalomyrmex symmetochus (représentante du groupe silvestrii) utilise d’ailleurs cette arme chimique pour défendre son hôte Sericomyrmex amabilis contre les raids de Gnamptogenys… Eh oui, des parasites qui jouent les mercenaires !

En ce qui concerne la colonie que je vais recevoir, la taille indiquée par le vendeur (5-6 millimètres) laisse planer le doute entre une grande espèce du groupe modestus et une petite espèce du groupe leoninus. J’espère pouvoir les identifier au niveau spécifique dès que l’occasion s’en présentera.

Je vous laisse donc, en espérant pouvoir rédiger la suite dès demain…

 

12/04/2021

« Dès demain »…. Ah, ah. C’était sans compter l’efficacité de la Poste. Enfin bref, le colis fut réceptionné aujourd’hui. Un colis assez gros, pour une petite colonie…
Car le colis contenait un autre colis. Qui, lui-même, contenait une boîte ; le généreux vendeur, un Allemand dont le nom comme la réputation sont gages de qualité, a en effet confectionné un emballage d’un rare soin, véritable blockhaus à vrai dire.

Enfin bref, je présume que ce n’est pas cet emballage, aussi beau soit-il, qui vous motive à parcourir ces lignes. Il y a donc une boîte… A l’intérieur, de petites impératrices ferrugineuses gambadent : elles sont vivantes !

Il est alors temps d’ouvrir la boîte, et de faire l’état des lieux. Les mortes et moribondes ne sont pas nombreuses ; une bonne cinquantaine d’ergates s’en sortent en vie. Voir la gyne, plus grande et plus sombre, a bien entendu été un grand soulagement. J’ai d'abord cru qu’elle était ergatoïde ; il faut dire que du dessus, son thorax est presque aussi fin que celui de ses sujettes. Mais en réalité, un examen plus rapproché a permis de constater de belles cicatrices alaires, et trois jolies ocelles parfaitement développées. C’est donc une vraie gyne ; nous sommes bien chez le groupe modestus.


A part cela, la colonie compte également un beau couvain, principalement constitué de… nymphes de mâles. Même si quelques ouvrières en devenir se cachent dans le lot, ces inutiles ébauches masculines se trouvent en effet en nombre. Intriguant. D’ailleurs, deux ou trois mâles adultes se baladent dans la fondation ; ils ont vraisemblablement émergé pendant le transport, et ont raté leur mue imaginale compte tenu de leurs ailes déformées. Le couvain compte également quelques larves, et une petite grappe d’œufs.

En attendant que tout ce beau monde emménage dans sa nouvelle installation, j’ai tenté de chercher leur petit nom à partir des ouvrières mortes. Ce ne fut pas chose aisée ; mais au final, j’ai fini par trouver un épithète plus ou moins convaincant à force de fouiller les publications, en éliminant toutes les autres espèces du groupe modestus… La coloration ne correspond pas totalement, mais ce taxon étant a priori variable ce n’est peut-être pas si étonnant.

Megalomyrmex wallacei Mann, 1916

Bon, certes… je n’en ai pas la certitude absolue, c’est à regarder de plus près. Mais pour l’instant au moins, je n’ai rien trouvé de plus convaincant.

Une des quelques espèces du genre connues pour posséder, selon les populations, des gynes ailées ou bien ergatoïdes. Les premières, dont vous avez pu voir un exemple sur mes affreuses photographies tout à l’heure, sont très semblables aux ouvrières ; mais les ergatogynes le sont encore plus, et pour les distinguer des pures ergates il faut faire attention aux détails, et notamment au gastre légèrement plus volumineux. En ce qui concerne les vraies ouvrières, de petites différences de taille et de coloration peuvent s’observer au sein d’une même colonie, sans compter les importantes variations entre populations.

Cette espèce est bien caractéristique de son genre : une efficace fourrageuse de la litière forestière, usant pleinement de son arme chimique pour faire fuir des ennemis aussi coriaces que les Pheidole.

Bref ! Je leur ai préparé une installation grossière qui ne sera probablement que temporaire ; deux tubes à essai, un nu et un tapissé de mousse, dans une boîte contenant du terreau et des feuilles mortes entre lesquelles elles se promènent. Maintenant que la colonie est installée, c’est un délice pour les yeux – que dis-je ! Un banquet. Je trouve à leur comportement un air de Pheidole, mais elles y ajoutent une teinte unique et montrent presque une certaine intelligence dans leur façon de fourrager. Lorsqu’on les dérange, elles ne manquent pas de dresser le gastre à la façon des Crematogaster ; je devine qu’elles diffusent à ce moment leur fameux répulsif. Elles n’ont encore que timidement léché la beetle jelly mise à disposition. La colonie n’est que fraîchement installée, et je n’ai plus qu’à patienter et voir comment tout cela va évoluer prochainement.

En vous remerciant d’avoir lu ma prose maladroite, à plus tard pour un prochain billet, donc !

Pour d'éventuelles remarques, le [Q/R] est ici : [Q/R] Megalomyrmex wallacei – [Question/Réponse] – Blog des Membres (antariums.com)

Ce message a été modifié Il y a 3 ans 2 fois par claviger
 
Posté : 12/04/2021 11:08 pm
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