Guide : La Diapause Chez Les Fourmis.

Guide d'Ă©levage

Qu’est-ce que la diapause ? 

Chez les insectes, la diapause est un mĂ©canisme d’adaptation aux conditions environnementales. En effet, les fourmis vivent dans un environnement dont les conditions, varient au cours de l’annĂ©es, en suivant le cycle des saisons.

Ces variations influent sur la disponibilité en nourriture, les besoins énergétiques de la colonie et le temps de développement du couvain.

En rĂ©ponse, l’insecte adopte un mode de vie ralenti durant les pĂ©riodes les moins propices Ă  son dĂ©veloppement (en l’occurrence les saisons froides ou sĂšches, selon le climat). 
La plupart des espĂšces vont alors vivre en utilisant les rĂ©serves accumulĂ©es durant les “belles saisons” en attendant de meilleures conditions de dĂ©veloppement.

La diapause peut finalement s’apparenter Ă  l’hibernation observĂ©e chez les vertĂ©brĂ©s.
En Ă©levage vous entendrez par exemple parler de “diapause obligatoire” et de “diapause facultative”. 
Dans ce guide nous allons vous expliquer comment aborder au mieux la diapause pour vos colonies ! 

Une colonie en diapause. Photographie : Dylan (via Discord).

Au cours de l’évolution, diffĂ©rents comportement d’adaptation aux pĂ©riodes difficiles ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©es.
Vous serez sĂ»rement amenĂ© lors de vos recherches d’informations Ă  voir des mots Ă  l’apparence trĂšs compliquĂ© tel que les termes “EndogĂšne-hetĂ©rodynamique” ou encore “ExogĂšne-hetĂ©rodynamique“, ces termes dĂ©crivent justement ces comportements d’adaptation.

Résumé des différents types de comportements :

EndogĂšne-hetĂ©rodynamique : Les espĂšces adoptant ce mode de fonctionnement rentrent en diapause automatiquement en fonction des saisons, c’est un comportement qui n’est pas seulement influencĂ© par les tempĂ©ratures extĂ©rieures mais directement par un facteur gĂ©nĂ©tique (ex: Formica, Lasius, Camponotus, etc).

Photographie de Formica sp ; Dylan (via Discord).

La majorité des fourmis endémiques sont endogÚnes, la diapause de celles-ci est donc primordiale sous peine de voir sa colonie dépérir au fur et à mesure.

ExogĂšne-hetĂ©rodynamique : Les espĂšces exogĂšnes, entament un ralentissement exclusivement via les facteurs externes, une baisse progressive de la tempĂ©rature engage le ralentissement de leur mĂ©tabolisme. Ce sont souvent les espĂšces vivants dans des rĂ©gions gĂ©ographiques oĂč le climat est plus favorable en hiver qui fonctionnent ainsi (Messor, Crematogaster, etc, qui vivent dans le bassin mĂ©diterranĂ©en).
Pour celles-ci, on entendra souvent dire que la diapause est “facultative”, c’est un sujet qui fait dĂ©bat en myrmĂ©cologie depuis des annĂ©es. Supprimer la diapause n’aura pas d’impact direct sur la colonie, toutefois il faut garder Ă  l’esprit que cela peut largement diminuer la longĂ©vitĂ© de la colonie. 
Antariums vous conseil une simple baisse des températures pendant la période de froid, car elle peut donc suffire à créer un ralentissement bénéfique au maintien de notre colonie. 

Enfin sachez qu’il existe un autre cas de figure, (que l’on rencontre plus rarement chez les espĂšces endĂ©miques.)
ExogĂšnes homodynamique : ces espĂšces ne modifient pas leur dĂ©veloppement tout au long de l’annĂ©e, la pĂ©riode hivernale n’est donc qu’une contrainte Ă  leur Ă©volution, et les basses tempĂ©ratures peuvent donc leur ĂȘtre fatales. L’exemple le plus connu parmi nos fourmis endĂ©miques est Pheidole pallidula. Les fourmis suivant ce rythme biologique sont le plus souvent des espĂšces aux dĂ©veloppement trĂšs rapide (rendant nĂ©gligeable les pertes occasionnĂ©es) ou les espĂšces originaires de contrĂ©es dont le climat est annuellement chaud.

Schéma récapitulatif réalisé par One_ants

Comment savoir si une espùce a besoin d’une diapause ?

Il est difficile de rĂ©pondre Ă  cette question de maniĂšre simple. En effet, chaque espĂšce a des besoins et un comportement qui lui sont propres, d’oĂč la nĂ©cessitĂ© de bien connaĂźtre la fiche d’élevage de ses fourmis.
Cependant, il est possible de généraliser de cette maniÚre que pour +95% des fourmis :

  • De la zone rose : mise au froid nĂ©cessaire entre dĂ©cembre et fĂ©vrier/mars
  • De la zone verte : pas de mise au froid nĂ©cessaire
  • De la zone bleu : mise au froid nĂ©cessaire entre juin et aoĂ»t
Carte climatique réalisée par One_ants sur le modÚle de Köppen


La diapause est-elle utile ?

Depuis maintenant deux dĂ©cennies, l’utilitĂ© de la diapause est contestĂ©e par un minoritĂ© d’éleveurs, notamment influencĂ©s par le milieu de la vente.
Effet, il est courant de voir apparaitre dans les annonces Ă  but pĂ©cunier, des informations expliquant l’inutilitĂ© de la diapause pour des espĂšces issues de climats pourtant tempĂ©rĂ©s. Ceci n’est qu’une maniĂšre dĂ©tournĂ©e d’inciter le client Ă  acheter la dite fourmi en embellissant sa biologie par la suppression de potentielles contraintes d’élevage.

Cependant il a de nombreuses fois Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©es que l’absence de diapause borĂ©ale ou australes n’était pas sans consĂ©quence.
L’entomologiste Vladilen Kipyatkov a par ailleurs dĂ©montrĂ© dans ses travaux que les fourmis maintenues en captivitĂ© Ă  tempĂ©rature constantes restaient souvent bloquĂ©es en vie ralentie : le couvain ne se dĂ©veloppant plus, suivit d’une augmentation de la mortalitĂ© chez les ouvriĂšres puis d’un arrĂȘt de la ponte chez la gyne. De la mĂȘme maniĂšre, lors d’expĂ©rience de gradient thermique en laboratoire, les espĂšces ayant le choix entre une salle froide et une salle chaude de leur nid, ont choisie la salle froide en pĂ©riode hivernale.

Ainsi, la diapause est nĂ©cessaire est n’est donc pas une option. Ne pas aider ses fourmis Ă  rentrer en diapause si elles en ont besoins est une forme de maltraitance animale.
La diapause permet le repos ovarien des individus reproducteurs, elle a donc un impacte directe sur l’espĂ©rance de vie d’une colonie et de sa gyne, sur son dĂ©veloppement dĂ©mographique et sa vitesse d’arrivĂ©e Ă  maturitĂ© sexuelle.

La diapause (borĂ©ale) est la diapause la plus rĂ©pandue en Ă©levage puisque qu’elle concerne les espĂšces de l’hĂ©misphĂšre Nord. Maintenant que nous avons vu les diffĂ©rentes mĂ©thodes d’adaptation des fourmis, nous allons nous attarder sur comment procĂ©der pour mettre en diapause ses colonies en Ă©levage.

Avant tout achat d’une espĂšce, il est d’abord primordial de bien se renseigner sur les moyens dont on dispose pour effectuer une mise au froid. En effet, selon l’endroit oĂč nous habitons, il sera plus aisĂ© pour certaines personnes de placer des fourmis dans un endroit frais l’hiver. Dans le cas d’un premier Ă©levage, il sera donc impĂ©ratif de rĂ©flĂ©chir sur ce point avant d’accueillir l’espĂšce que l’on choisira. 

Il y a donc plusieurs mĂ©thodes et plusieurs façons d’aborder la diapause. 

Une installation de diapause. Photographie : Fourmi des plaines.

Aspects techniques :

La premiÚre méthode envisageable consiste à placer ses fourmis dans un endroit qui suit les températures extérieures. 
Cela peut ĂȘtre un garage, une cave, un grenier, un cabanon ou encore une piĂšce non chauffĂ©e. 
Il faudra simplement veiller Ă  ce que l’endroit soit hors gel, des tempĂ©ratures se rapprochant de 0° pouvant ĂȘtre fatal aux fourmis.

Il faudra aussi bien se renseigner sur les espĂšces que l’on maintient, toutes ne demandant pas forcĂ©ment les mĂȘmes besoins sur les tempĂ©ratures et la durĂ©e de la mise au froid.

L’avantage de cette technique, c’est dans un premier temps que cela crĂ©e un cycle “naturel”, les tempĂ©ratures fluctuant avec les saisons, on ne sera pas obligĂ© d’effectuer de grosses transitions en automne Ă  l’entrĂ©e de diapause et au printemps en sortie de diapause, en effet les gros changements de tempĂ©rature soudains pourraient crĂ©er des chocs thermiques Ă  vos fourmis et leur seraient fatals. L’inconvĂ©nient c’est que, selon l’endroit qu’on aura choisi et selon la rĂ©gion, on ne puisse pas contrĂŽler la tempĂ©rature durant les grosses pĂ©riodes de froid.

DeuxiÚme méthode envisageable : la mise au frais via un réfrigérateur ou une cave à vin. 

C’est une solution utilisĂ©e par nombre d’éleveurs, qui est assez avantageuse si on habite dans un endroit oĂč il n’est pas possible d’avoir une piĂšce attitrĂ©e Ă  la mise au frais, les appartements sans jardin, ni garage par exemple.  Il faudra simplement faire attention Ă  bien gĂ©rer la transition pour, encore une fois, Ă©viter les problĂšmes liĂ©s aux chocs thermiques.

Le plus gros inconvĂ©nient de cette mĂ©thode, c’est que l’on ne dispose pas d’une trĂšs grande place, on casera difficilement une colonie de plusieurs milliers d’individus dans une cave Ă  vin par exemple.

Autre inconvĂ©nient qui peut ĂȘtre Ă  la fois un avantage, on contrĂŽle nous mĂȘme la tempĂ©rature, il n’y a donc normalement aucun risque que les tempĂ©ratures baissent trop d’un seul coup, mais il est aussi plus difficile de simuler les variations de tempĂ©rature qu’offre la mĂ©tĂ©o. 

Une installation de diapause. Photographie : Fourmi des plaines.

Comment opérer ?

Maintenant que nous avons les clefs pour envisager notre diapause, il nous reste à savoir que faire avant, pendant, et aprÚs celle-ci. 

Avant la diapause, pour les espĂšces endogĂšnes, on observera un net ralentissement de l’activitĂ©, et un ralentissement du dĂ©veloppement du couvain, c’est ce qu’on appelle la pĂ©riode de prĂ©-diapause, dans la nature c’est la pĂ©riode oĂč les fourmis vont effectuer toutes sortes de tĂąches pour passer l’hiver au mieux, amĂ©nagements du nid, derniĂšres chasses d’insectes, etc. Chez les fourmis les oeufs et les pupes/cocons ou nymphes ne passent pas la diapause, seule les larves sont susceptibles de passer l’hiver avec la colonie, mais cela n’est pas systĂ©matique pour toutes les espĂšces.

En captivitĂ©, c’est la pĂ©riode oĂč il faudra gaver nos protĂ©gĂ©es afin qu’elles aient assez de rĂ©serve pour les longs mois de mise au froid. 
Ne lésinez pas sur les protéines et sur des liquides sucrés variés durant cette période, plus vos fourmis ont de physogastrie, plus elles auront de réserves.

Durant la diapause, il n’est normalement pas nĂ©cessaire de nourrir ce petit monde, sachez que les fourmis cessent toute activitĂ© et rentrent en lĂ©thargie, leur mĂ©tabolisme est donc au ralenti.
Cependant certaines personnes nourrissent par sĂ©curitĂ© leurs colonies durant la diapause, il n’y a pas de donnĂ©es sur une rĂ©elle utilitĂ© ou inutilitĂ©, sachez simplement que de la nourriture non consommĂ©e restant dans un tube ou une adc est source de nourriture pour des dĂ©tritivores, donc un attrait de plus pour les acariens.

Toutefois pour les espĂšces semi-claustrales comme les fondations de Myrmica ou Manica qui ne possĂšdent pas Ă©normĂ©ment de rĂ©serves, il peut ĂȘtre envisageable de fournir un peu de liquide sucrĂ© durant la pĂ©riode de froid, on prendra soin de le retirer si il n’est pas consommĂ©. 

Ensuite une fois la diapause effectuĂ©e, on replacera ses fourmis lĂ  oĂč on souhaite les voir Ă©voluer, toujours en respectant une douce transition des tempĂ©ratures. Inutile de surchauffer vos fourmis en dĂ©but de pĂ©riode d’activitĂ©, dans la nature il fait rarement 30°C fin fĂ©vrier ou dĂ©but mars


Les fourmis reprennent leur dĂ©veloppement et les pontes quelques jours voire quelques semaines aprĂšs la remontĂ©e des tempĂ©ratures, tout n’est donc que question de patience ! On observe parfois une lĂ©gĂšre mortalitĂ© lors de la diapause, cela ne doit pas vous inquiĂ©ter tant que la dĂ©mographie ne chute pas de maniĂšre dĂ©raisonnable. En effet la diapause fait aussi office de pression de sĂ©lection naturelle sur les individus dans la nature.

Pour les espĂšces des zones tempĂ©rĂ©es de l’hĂ©misphĂšre sud, une diapause de juin Ă  aout (voire septembre) est le plus souvent requise. Malheureusement, par manque Ă©vident de moyens pour rĂ©aliser cette diapause australe, la grande majoritĂ© des Ă©leveurs des fourmis concernĂ©es ne la rĂ©alisent pas mais cela n’est pas sans consĂ©quences sur leur fourmis.
De nombreux mythes circulent sur la diapause australe. Sachez tout d’abord que l’inutilitĂ© de la diapause australe n’a jamais Ă©tĂ© prouvĂ©e, les informations dont nous disposons montrent d’ailleurs des rĂ©sultats inverses. Il n’existe Ă©galement aucune preuve attestant de la possibilitĂ© d’inverser le rythme biologique de ses fourmis : rĂ©aliser une diapause borĂ©ale pour des fourmis issues de l’hĂ©misphĂšre sud n’est donc pas une possibilitĂ© jugĂ©e crĂ©dible par Antariums au vue de l’absence de rĂ©sultats positifs et pertinents sur cette pratique.

Nous vous conseillons de rĂ©aliser une diapause au minimum comprise entre 12°C et 15°C dans un cave Ă  vin pour suivre le ralentissement mĂ©tabolique requis par vos fourmis. Cependant, certaines Ă©tudes sur le genre Myrmecia (et bien d’autres genres de l’hemisphĂšre Sud) attestent que la diapause borĂ©ale en nature peut avoir lieux Ă  des tempĂ©ratures beaucoup plus basses de l’ordre de 5°C Ă  8°C.

Certaines espĂšces soumises Ă  ce ralentissement Ă©tant des Myrmecia ou de grandes Ponerinae comme Pachycondyla crassinoda et Plectroctena mandibularis, la diapause de ces fourmis devra ĂȘtre adaptĂ©es.
Ainsi, des Ă©tudes attestent par exemple d’un fourragement hivernal Ă  trĂšs basse tempĂ©rature pour le genre Myrmecia et des observations d’élevage sur les Pachycondyla sp de la cordillĂšre des Andes le montre Ă©galement. Il sera donc nĂ©cessaire de nourrir ces grandes semi-claustrales lors de leur diapause.

Relevé météo de la semaine du 30 aout 2023 à Melbourne, en Australie

Une suite de ce guide permettant d’approfondir ses connaissances thĂ©oriques et d’explorer d’autres aspects de la diapause est disponible sur Antariums en cliquant ici.

Sujets abordés :

  • Envisager une diapause pour des insectes tropicaux
  • Savoir si une espĂšce a besoin d’une diapause en Ă©tudiant la climatologie et l’ethologie
  • Description mĂ©tabolique d’un Ă©tat de repos
  • Terminologie inexacte du mot diapause
  • Adaptations physionomiques et biochimique

Sources :

Expérience de nos éleveurs, notamment Triturus, Ookami et One_ants
Photo de Dylan, Fourmi des Plaines et One Ants

Luc Passeras, L’organisation sociale des fourmis, 1984
Kipyatkov, Annual cycles of development in ants diversity, evolution, regulation, 1993
Kipyatkov, Role of Endogenous Rhytms in Regulation of Annual Cycles of Development in Ants, 1995
Kipyatkov, Seasonal life cycles and the forms of dormancy in ants, 2001

Piyankarie Jayatilaka, Different effects of temperature on foraging activity schedules in sympatric Myrmecia ants, 2011

Introduction

Qu’est-ce que la diapause ? 

Chez les insectes, la diapause est un mĂ©canisme d’adaptation aux conditions environnementales. En effet, les fourmis vivent dans un environnement dont les conditions, varient au cours de l’annĂ©es, en suivant le cycle des saisons.

Ces variations influent sur la disponibilité en nourriture, les besoins énergétiques de la colonie et le temps de développement du couvain.

En rĂ©ponse, l’insecte adopte un mode de vie ralenti durant les pĂ©riodes les moins propices Ă  son dĂ©veloppement (en l’occurrence les saisons froides ou sĂšches, selon le climat). 
La plupart des espĂšces vont alors vivre en utilisant les rĂ©serves accumulĂ©es durant les “belles saisons” en attendant de meilleures conditions de dĂ©veloppement.

La diapause peut finalement s’apparenter Ă  l’hibernation observĂ©e chez les vertĂ©brĂ©s.
En Ă©levage vous entendrez par exemple parler de “diapause obligatoire” et de “diapause facultative”. 
Dans ce guide nous allons vous expliquer comment aborder au mieux la diapause pour vos colonies ! 

Une colonie en diapause. Photographie : Dylan (via Discord).

I) Initiation Ă  la biologie

Au cours de l’évolution, diffĂ©rents comportement d’adaptation aux pĂ©riodes difficiles ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©es.
Vous serez sĂ»rement amenĂ© lors de vos recherches d’informations Ă  voir des mots Ă  l’apparence trĂšs compliquĂ© tel que les termes “EndogĂšne-hetĂ©rodynamique” ou encore “ExogĂšne-hetĂ©rodynamique“, ces termes dĂ©crivent justement ces comportements d’adaptation.

Résumé des différents types de comportements :

EndogĂšne-hetĂ©rodynamique : Les espĂšces adoptant ce mode de fonctionnement rentrent en diapause automatiquement en fonction des saisons, c’est un comportement qui n’est pas seulement influencĂ© par les tempĂ©ratures extĂ©rieures mais directement par un facteur gĂ©nĂ©tique (ex: Formica, Lasius, Camponotus, etc).

Photographie de Formica sp ; Dylan (via Discord).

La majorité des fourmis endémiques sont endogÚnes, la diapause de celles-ci est donc primordiale sous peine de voir sa colonie dépérir au fur et à mesure.

ExogĂšne-hetĂ©rodynamique : Les espĂšces exogĂšnes, entament un ralentissement exclusivement via les facteurs externes, une baisse progressive de la tempĂ©rature engage le ralentissement de leur mĂ©tabolisme. Ce sont souvent les espĂšces vivants dans des rĂ©gions gĂ©ographiques oĂč le climat est plus favorable en hiver qui fonctionnent ainsi (Messor, Crematogaster, etc, qui vivent dans le bassin mĂ©diterranĂ©en).
Pour celles-ci, on entendra souvent dire que la diapause est “facultative”, c’est un sujet qui fait dĂ©bat en myrmĂ©cologie depuis des annĂ©es. Supprimer la diapause n’aura pas d’impact direct sur la colonie, toutefois il faut garder Ă  l’esprit que cela peut largement diminuer la longĂ©vitĂ© de la colonie. 
Antariums vous conseil une simple baisse des températures pendant la période de froid, car elle peut donc suffire à créer un ralentissement bénéfique au maintien de notre colonie. 

Enfin sachez qu’il existe un autre cas de figure, (que l’on rencontre plus rarement chez les espĂšces endĂ©miques.)
ExogĂšnes homodynamique : ces espĂšces ne modifient pas leur dĂ©veloppement tout au long de l’annĂ©e, la pĂ©riode hivernale n’est donc qu’une contrainte Ă  leur Ă©volution, et les basses tempĂ©ratures peuvent donc leur ĂȘtre fatales. L’exemple le plus connu parmi nos fourmis endĂ©miques est Pheidole pallidula. Les fourmis suivant ce rythme biologique sont le plus souvent des espĂšces aux dĂ©veloppement trĂšs rapide (rendant nĂ©gligeable les pertes occasionnĂ©es) ou les espĂšces originaires de contrĂ©es dont le climat est annuellement chaud.

Schéma récapitulatif réalisé par One_ants

II) Nécessité et Utilité de la diapause

Comment savoir si une espùce a besoin d’une diapause ?

Il est difficile de rĂ©pondre Ă  cette question de maniĂšre simple. En effet, chaque espĂšce a des besoins et un comportement qui lui sont propres, d’oĂč la nĂ©cessitĂ© de bien connaĂźtre la fiche d’élevage de ses fourmis.
Cependant, il est possible de généraliser de cette maniÚre que pour +95% des fourmis :

  • De la zone rose : mise au froid nĂ©cessaire entre dĂ©cembre et fĂ©vrier/mars
  • De la zone verte : pas de mise au froid nĂ©cessaire
  • De la zone bleu : mise au froid nĂ©cessaire entre juin et aoĂ»t
Carte climatique réalisée par One_ants sur le modÚle de Köppen

La diapause est-elle utile ?

Depuis maintenant deux dĂ©cennies, l’utilitĂ© de la diapause est contestĂ©e par un minoritĂ© d’éleveurs, notamment influencĂ©s par le milieu de la vente.
Effet, il est courant de voir apparaitre dans les annonces Ă  but pĂ©cunier, des informations expliquant l’inutilitĂ© de la diapause pour des espĂšces issues de climats pourtant tempĂ©rĂ©s. Ceci n’est qu’une maniĂšre dĂ©tournĂ©e d’inciter le client Ă  acheter la dite fourmi en embellissant sa biologie par la suppression de potentielles contraintes d’élevage.

Cependant il a de nombreuses fois Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©es que l’absence de diapause borĂ©ale ou australes n’était pas sans consĂ©quence.
L’entomologiste Vladilen Kipyatkov a par ailleurs dĂ©montrĂ© dans ses travaux que les fourmis maintenues en captivitĂ© Ă  tempĂ©rature constantes restaient souvent bloquĂ©es en vie ralentie : le couvain ne se dĂ©veloppant plus, suivit d’une augmentation de la mortalitĂ© chez les ouvriĂšres puis d’un arrĂȘt de la ponte chez la gyne. De la mĂȘme maniĂšre, lors d’expĂ©rience de gradient thermique en laboratoire, les espĂšces ayant le choix entre une salle froide et une salle chaude de leur nid, ont choisie la salle froide en pĂ©riode hivernale.

Ainsi, la diapause est nĂ©cessaire est n’est donc pas une option. Ne pas aider ses fourmis Ă  rentrer en diapause si elles en ont besoins est une forme de maltraitance animale.
La diapause permet le repos ovarien des individus reproducteurs, elle a donc un impacte directe sur l’espĂ©rance de vie d’une colonie et de sa gyne, sur son dĂ©veloppement dĂ©mographique et sa vitesse d’arrivĂ©e Ă  maturitĂ© sexuelle.

III) La diapause (boréale) en pratique 

La diapause (borĂ©ale) est la diapause la plus rĂ©pandue en Ă©levage puisque qu’elle concerne les espĂšces de l’hĂ©misphĂšre Nord. Maintenant que nous avons vu les diffĂ©rentes mĂ©thodes d’adaptation des fourmis, nous allons nous attarder sur comment procĂ©der pour mettre en diapause ses colonies en Ă©levage.

Avant tout achat d’une espĂšce, il est d’abord primordial de bien se renseigner sur les moyens dont on dispose pour effectuer une mise au froid. En effet, selon l’endroit oĂč nous habitons, il sera plus aisĂ© pour certaines personnes de placer des fourmis dans un endroit frais l’hiver. Dans le cas d’un premier Ă©levage, il sera donc impĂ©ratif de rĂ©flĂ©chir sur ce point avant d’accueillir l’espĂšce que l’on choisira. 

Il y a donc plusieurs mĂ©thodes et plusieurs façons d’aborder la diapause. 

Une installation de diapause. Photographie : Fourmi des plaines.

Aspects techniques :

La premiÚre méthode envisageable consiste à placer ses fourmis dans un endroit qui suit les températures extérieures. 
Cela peut ĂȘtre un garage, une cave, un grenier, un cabanon ou encore une piĂšce non chauffĂ©e. 
Il faudra simplement veiller Ă  ce que l’endroit soit hors gel, des tempĂ©ratures se rapprochant de 0° pouvant ĂȘtre fatal aux fourmis.

Il faudra aussi bien se renseigner sur les espĂšces que l’on maintient, toutes ne demandant pas forcĂ©ment les mĂȘmes besoins sur les tempĂ©ratures et la durĂ©e de la mise au froid.

L’avantage de cette technique, c’est dans un premier temps que cela crĂ©e un cycle “naturel”, les tempĂ©ratures fluctuant avec les saisons, on ne sera pas obligĂ© d’effectuer de grosses transitions en automne Ă  l’entrĂ©e de diapause et au printemps en sortie de diapause, en effet les gros changements de tempĂ©rature soudains pourraient crĂ©er des chocs thermiques Ă  vos fourmis et leur seraient fatals. L’inconvĂ©nient c’est que, selon l’endroit qu’on aura choisi et selon la rĂ©gion, on ne puisse pas contrĂŽler la tempĂ©rature durant les grosses pĂ©riodes de froid.

DeuxiÚme méthode envisageable : la mise au frais via un réfrigérateur ou une cave à vin. 

C’est une solution utilisĂ©e par nombre d’éleveurs, qui est assez avantageuse si on habite dans un endroit oĂč il n’est pas possible d’avoir une piĂšce attitrĂ©e Ă  la mise au frais, les appartements sans jardin, ni garage par exemple.  Il faudra simplement faire attention Ă  bien gĂ©rer la transition pour, encore une fois, Ă©viter les problĂšmes liĂ©s aux chocs thermiques.

Le plus gros inconvĂ©nient de cette mĂ©thode, c’est que l’on ne dispose pas d’une trĂšs grande place, on casera difficilement une colonie de plusieurs milliers d’individus dans une cave Ă  vin par exemple.

Autre inconvĂ©nient qui peut ĂȘtre Ă  la fois un avantage, on contrĂŽle nous mĂȘme la tempĂ©rature, il n’y a donc normalement aucun risque que les tempĂ©ratures baissent trop d’un seul coup, mais il est aussi plus difficile de simuler les variations de tempĂ©rature qu’offre la mĂ©tĂ©o. 

Une installation de diapause. Photographie : Fourmi des plaines.

Comment opérer ?

Maintenant que nous avons les clefs pour envisager notre diapause, il nous reste à savoir que faire avant, pendant, et aprÚs celle-ci. 

Avant la diapause, pour les espĂšces endogĂšnes, on observera un net ralentissement de l’activitĂ©, et un ralentissement du dĂ©veloppement du couvain, c’est ce qu’on appelle la pĂ©riode de prĂ©-diapause, dans la nature c’est la pĂ©riode oĂč les fourmis vont effectuer toutes sortes de tĂąches pour passer l’hiver au mieux, amĂ©nagements du nid, derniĂšres chasses d’insectes, etc. Chez les fourmis les oeufs et les pupes/cocons ou nymphes ne passent pas la diapause, seule les larves sont susceptibles de passer l’hiver avec la colonie, mais cela n’est pas systĂ©matique pour toutes les espĂšces.

En captivitĂ©, c’est la pĂ©riode oĂč il faudra gaver nos protĂ©gĂ©es afin qu’elles aient assez de rĂ©serve pour les longs mois de mise au froid. 
Ne lésinez pas sur les protéines et sur des liquides sucrés variés durant cette période, plus vos fourmis ont de physogastrie, plus elles auront de réserves.

Durant la diapause, il n’est normalement pas nĂ©cessaire de nourrir ce petit monde, sachez que les fourmis cessent toute activitĂ© et rentrent en lĂ©thargie, leur mĂ©tabolisme est donc au ralenti.
Cependant certaines personnes nourrissent par sĂ©curitĂ© leurs colonies durant la diapause, il n’y a pas de donnĂ©es sur une rĂ©elle utilitĂ© ou inutilitĂ©, sachez simplement que de la nourriture non consommĂ©e restant dans un tube ou une adc est source de nourriture pour des dĂ©tritivores, donc un attrait de plus pour les acariens.

Toutefois pour les espĂšces semi-claustrales comme les fondations de Myrmica ou Manica qui ne possĂšdent pas Ă©normĂ©ment de rĂ©serves, il peut ĂȘtre envisageable de fournir un peu de liquide sucrĂ© durant la pĂ©riode de froid, on prendra soin de le retirer si il n’est pas consommĂ©. 

Ensuite une fois la diapause effectuĂ©e, on replacera ses fourmis lĂ  oĂč on souhaite les voir Ă©voluer, toujours en respectant une douce transition des tempĂ©ratures. Inutile de surchauffer vos fourmis en dĂ©but de pĂ©riode d’activitĂ©, dans la nature il fait rarement 30°C fin fĂ©vrier ou dĂ©but mars


Les fourmis reprennent leur dĂ©veloppement et les pontes quelques jours voire quelques semaines aprĂšs la remontĂ©e des tempĂ©ratures, tout n’est donc que question de patience ! On observe parfois une lĂ©gĂšre mortalitĂ© lors de la diapause, cela ne doit pas vous inquiĂ©ter tant que la dĂ©mographie ne chute pas de maniĂšre dĂ©raisonnable. En effet la diapause fait aussi office de pression de sĂ©lection naturelle sur les individus dans la nature.

IV) Diapause australe

Pour les espĂšces des zones tempĂ©rĂ©es de l’hĂ©misphĂšre sud, une diapause de juin Ă  aout (voire septembre) est le plus souvent requise. Malheureusement, par manque Ă©vident de moyens pour rĂ©aliser cette diapause australe, la grande majoritĂ© des Ă©leveurs des fourmis concernĂ©es ne la rĂ©alisent pas mais cela n’est pas sans consĂ©quences sur leur fourmis.
De nombreux mythes circulent sur la diapause australe. Sachez tout d’abord que l’inutilitĂ© de la diapause australe n’a jamais Ă©tĂ© prouvĂ©e, les informations dont nous disposons montrent d’ailleurs des rĂ©sultats inverses. Il n’existe Ă©galement aucune preuve attestant de la possibilitĂ© d’inverser le rythme biologique de ses fourmis : rĂ©aliser une diapause borĂ©ale pour des fourmis issues de l’hĂ©misphĂšre sud n’est donc pas une possibilitĂ© jugĂ©e crĂ©dible par Antariums au vue de l’absence de rĂ©sultats positifs et pertinents sur cette pratique.

Nous vous conseillons de rĂ©aliser une diapause au minimum comprise entre 12°C et 15°C dans un cave Ă  vin pour suivre le ralentissement mĂ©tabolique requis par vos fourmis. Cependant, certaines Ă©tudes sur le genre Myrmecia (et bien d’autres genres de l’hemisphĂšre Sud) attestent que la diapause borĂ©ale en nature peut avoir lieux Ă  des tempĂ©ratures beaucoup plus basses de l’ordre de 5°C Ă  8°C.

Certaines espĂšces soumises Ă  ce ralentissement Ă©tant des Myrmecia ou de grandes Ponerinae comme Pachycondyla crassinoda et Plectroctena mandibularis, la diapause de ces fourmis devra ĂȘtre adaptĂ©es.
Ainsi, des Ă©tudes attestent par exemple d’un fourragement hivernal Ă  trĂšs basse tempĂ©rature pour le genre Myrmecia et des observations d’élevage sur les Pachycondyla sp de la cordillĂšre des Andes le montre Ă©galement. Il sera donc nĂ©cessaire de nourrir ces grandes semi-claustrales lors de leur diapause.

Relevé météo de la semaine du 30 aout 2023 à Melbourne, en Australie

Une suite de ce guide permettant d’approfondir ses connaissances thĂ©oriques et d’explorer d’autres aspects de la diapause est disponible sur Antariums en cliquant ici.

Sujets abordés :

  • Envisager une diapause pour des insectes tropicaux
  • Savoir si une espĂšce a besoin d’une diapause en Ă©tudiant la climatologie et l’ethologie
  • Description mĂ©tabolique d’un Ă©tat de repos
  • Terminologie inexacte du mot diapause
  • Adaptations physionomiques et biochimique

Sources :

Expérience de nos éleveurs, notamment Triturus, Ookami et One_ants
Photo de Dylan, Fourmi des Plaines et One Ants

Luc Passeras, L’organisation sociale des fourmis, 1984
Kipyatkov, Annual cycles of development in ants diversity, evolution, regulation, 1993
Kipyatkov, Role of Endogenous Rhytms in Regulation of Annual Cycles of Development in Ants, 1995
Kipyatkov, Seasonal life cycles and the forms of dormancy in ants, 2001
Piyankarie Jayatilaka, Different effects of temperature on foraging activity schedules in sympatric Myrmecia ants, 2011

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