Guide du débutant en élevage de fourmis.

Guide d'élevage

Prologue

Bienvenue dans le monde merveilleux de l’élevage de fourmis !
Durant cette aventure pédagogique et divertissante, vous découvrirez la fascinante vie d’un monde souterrain quasi inexploré. Un vaste territoire se dresse devant vous : le monde de la myrmécologie ! Dans celui-ci, vous démasquerez l’une des créatures les plus communes, mais également des plus passionnantes et mystérieuses, cela au gré des rencontres, des découvertes et des expériences que vous ferez durant votre long voyage.
Une diversité et une richesse sans limite s’offrent à vous. Vous constaterez inéluctablement une pluralité au sein des espèces de fourmis, découvrant alors qu’il en existe de très grandes, de très petites, de très colorées, de très agiles etc. Ainsi votre parcours vous mènera dans des contrées lointaines pour vivre une aventure sans limite. Au fur et à mesure votre expérience et vos connaissances grandiront et, qui sait ; peut-être un jour serez-vous à même de rencontrer la reine… des fourmis bien sûr !! 😉

Ouvrière de l’espèce Aphaenogaster subterranea. Photographie : L’Haricot.

Comment fonctionne ce guide ?

La page sur laquelle vous vous trouvez est en fait le “guide principal” pour découvrir, s’initier et comprendre l’élevage de fourmis dans sa globalité. Sur ce guide, se trouveront toutes les informations essentielles pour bien débuter en myrmécologie. Vous pourrez ainsi commencer votre élevage sans difficulté en suivant un “fil directeur” qui vous guidera vers la réussite !

Au cours de votre lecture, vous aurez accès à de nombreux liens de redirection pour visiter d’autres guides ou fiches d’élevage dans lesquels nous aborderons des thématiques plus précises.

C’est ici que commence votre aventure en myrmécologie !
Mais au fait, c’est quoi la myrmécologie ?

La myrmécologie est la discipline scientifique qui étudie les fourmis. Elle a beaucoup d’applications que ce soit en élevage, en photographie, en taxonomie… Les scientifiques qui la pratiquent dans un but de recherche fondamentale ou appliquée sont appelés les “myrmécologues”. Vous aussi, sans être myrmécologue mais plutôt myrmécophile, pouvez pratiquer cette discipline ; comment ? En élevant votre propre colonie de fourmis et surtout en observant et comprenant la biologie de ces insectes ! Mais avant, il serait préférable de vous imprégner de toutes les connaissances de ce guide, nécessaires pour élever des fourmis dans les meilleures conditions.

 

Chapitre I : La reine, pièce maîtresse de la colonie.

Les fourmis sont des insectes dit “sociaux”, elles se regroupent en colonies organisées et il n’existe donc pas de “fourmi solitaire” comme on pourrait l’observer chez les guêpes ou les abeilles. La famille des Formicidae (= fourmis) est très diversifiée ; environ 14 500 espèces sont décrites, dont 220 présentes en France, 80 en Belgique, 146 en Suisse et plus de 700 en Guyane française… mais il en reste encore à découvrir. Toutes ces espèces sont plus ou moins différentes en terme de taille, de comportement, de couleur, de biologie, de répartition géographique ; même si parfois, seuls des détails morphologiques infimes permettent de les différencier. Dans l’immense majorité des cas, une colonie s’organise autour de 3 types (ou castes) d’individus : les ouvrières, la/les reine(s) et les mâles, bien qu’il existe de rares espèces avec des systèmes un peu plus complexes.

L’élément essentiel pour commencer l’élevage sera de trouver une “reine fourmi”, ou comme on l’appelle parmi les éleveurs une gyne. C’est en quelque sorte l’individu le plus important d’une colonie de fourmis car c’est le seul à pouvoir procréer, c’est-à-dire donner naissance à des générations d’ouvrières pour faire vivre et grandir la colonie. Pour élever des fourmis sur le long terme, il vous faudra obligatoirement une gyne, sans quoi, un groupe d’ouvrières ne survivrait que quelques semaines et ne se développerait pas.

Pour trouver cette gyne, il ne faudra surtout pas déterrer de colonie déjà établie. Cette pratique s’appelle le pillage, elle est néfaste pour les écosystèmes en plus d’être très peu efficace. Le mieux sera d’attendre la période des essaimages afin d’y récolter une gyne seule fraîchement fécondée et prête à fonder une colonie.
Un essaimage, c’est le moment où les jeunes sexués mâles et femelles (qui à ce moment de leur vie possèdent des ailes) s’envolent de leurs colonies natales pour s’accoupler dans les airs puis fonder une nouvelle colonie. Une fois fécondées, les femelles retirent leurs ailes puis se mettent en quête d’un sol meuble ou d’un abri pour creuser une loge où s’établir. Les mâles quant à eux sont abandonnés et meurent après l’accouplement, faute de réserve de nourriture.

Prémices d’un essaimage de Lasius sp. Photographie : Triturus.

Comme vous l’aurez sûrement compris, il ne faut pas prélever une gyne portant encore des ailes ; il est très probable qu’elle ne soit pas fécondée. Mais, parmi une multitude d’ouvrières aux formes diverses, comment reconnaître à coup sûr la silhouette d’une gyne désailée ? La taille sera généralement de bon conseil, dans un cas général pour une même espèce, la reine sera toujours plus grande que les ouvrières ; cependant, les reines de certaines espèces sont bien plus petites que les ouvrières d’autres, c’est pourquoi il ne faut jamais uniquement se fier à la taille de l’individu rencontré.

Le gastre généralement plus volumineux que la moyenne peut être un indice pour reconnaître une gyne, mais là encore trop variable pour être utile. En réalité, les gynes présentent presque toujours les caractéristiques suivantes :

  • Un thorax volumineux, logeant les puissants muscles alaires nécessaires à l’essaimage, qui serviront par la suite de réserves de nourriture durant la fondation.
  • Des cicatrices ailaires là où les ailes étaient précédemment attachées.
  • Des ocelles, trois points disposés en triangle sur le front. Attention néanmoins : les ouvrières de certains genres, comme les Formica, ont également des ocelles.
Gyne de Lasius niger entourée d’ouvrières. Chez cette espèce, la différence entre ces deux castes est très visible. Photographie : Gaspacho.
Princesses de Dolichoderus quadripunctatus accompagnées d’ouvrières. Chez ces fourmis, le dimorphisme entre ces castes est peu marqué. Photographie : Triturus.

Dans la majorité des cas, la gyne fonde seule sa colonie en élevant sans aucune aide extérieure son couvain, lequel donnera ensuite naissance à la prochaine génération d’ouvrières. Quelques années plus tard, la fondation est devenue colonie et est alors en âge de produire des sexués qui à leur tour s’accoupleront et donneront naissance à de nouvelles colonies. En Europe, les essaimages ont généralement lieu entre avril et octobre avec un pic entre juin et juillet. Ils ont souvent lieu durant les journées chaudes, le lendemain d’une forte pluie (une haute hygrométrie dans l’air est en effet importante pour provoquer l’essaimage chez un certain nombre d’espèces), et peuvent être plus ou moins discrets ou remarquables en fonction des espèces. Si vous souhaitez récolter une espèce précise, consultez nos fiches d’élevages afin d’y trouver la période durant laquelle ont lieu les vols nuptiaux de cette dernière.

Si vous ne souhaitez pas attendre les essaimages, vous pouvez également acheter votre gyne après vous être renseignés, en visitant des sites spécialisés dans la vente de fourmis et de matériel ou en allant sur des groupes de passionnés. En achetant une gyne ou une fondation de fourmis, vous aurez la chance de pouvoir choisir l’espèce désirée pour débuter. Toutes les espèces ne demandent pas le même investissement ou les mêmes conditions de maintien ; il y a donc des espèces plus faciles que d’autres pour débuter.

Lasius niger, connue comme la “fourmi noire des jardins”, est particulièrement robuste en élevage. Photographie : Gaspacho.

Chapitre II : Une fois la gyne récoltée, fondation et identification.

L’une des étapes les plus importantes après l’obtention d’une gyne est de la faire identifier afin de connaître le genre et l’espèce à laquelle elle appartient si cela n’est pas déjà fait. L’identification de votre fourmi est primordiale car chaque espèce de fourmis a des besoins qui lui sont propres. Connaître l’espèce de la gyne récoltée sera donc un critère de réussite dans l’obtention d’une future colonie prospère, cela en répondant exactement aux conditions de maintien que nécessite l’espèce. L’identification précise d’une fourmi est souvent une tâche complexe nécessitant de l’expérience ainsi qu’une méthode relativement pointue, c’est pourquoi nous ne développerons pas plus ce travail dans ce guide. Pour découvrir les procédés et méthodes permettant de connaître l’espèce de votre fourmi, nous vous invitons à lire ce guide. Nous vous conseillons également de rejoindre un groupe de passionnés dans lequel vous pourrez demander une aide à l’identification après avoir fourni quelques informations essentielles. Si vous avez acheté votre gyne ou fondation, nous vous invitons également à la faire ré-identifier. En effet, l’identification minutieuse est parfois une étape négligée par les vendeurs, il est donc récurrent de trouver de légères imprécisions dans l’appellation des fourmis provenant du commerce.

Demande d’identification complète et organisée sur un groupe de passionnés. (Ici, la fourmi est une Mystrium oberthueri) ; @one_ants sur discord.

Une fois la gyne identifiée, place à l’étape la plus cruciale avant l’obtention d’une colonie populeuse : la fondation.
La fondation est le moment où la gyne fraîchement fécondée va creuser sa loge puis commencer à pondre et élever son couvain seule jusqu’à la naissance de la première génération d’ouvrières. Il existe plusieurs types de fondation :

  • La fondation indépendante et claustrale : la gyne ne sort pas de sa loge et nourrit son couvain avec ses réserves jusqu’à l’arrivée des premières ouvrières.
  • La fondation indépendante et semi-claustrale : la gyne sort régulièrement de sa loge pour trouver de la nourriture dans le but d’alimenter son couvain, qu’elle élève seule jusqu’à l’arrivée des premières ouvrières.
  • La fondation dépendante : la gyne ne peut pas fonder seule. Elle part du nid, accompagnée d’ouvrières de son espèce (bouturage ou fission coloniale), ou s’infiltre dans le nid d’une autre espèce (parasitisme social).
Gyne fondatrice de Manica rubida et ses premières ouvrières. Photographie : Triturus.

Il existe également une forme de fondation appelée la fondation par pléométrose. Il s’agit d’un mode de fondation dans lequel plusieurs gynes fécondées vont joindre leurs efforts pour fonder une colonie. Cette fondation aboutira généralement sur une monogynie (une colonie ne comportant qu’une seule reine) car seule la gyne la plus robuste sera acceptée par les ouvrières au fur et à mesure de l’avancée du développement de la colonie. Chez certaines espèces, aucune reine n’est tuée. Il coexiste alors plusieurs gynes qui pondent ensemble au sein de la même colonie, on appelle cela la polygynie ou l’oligogynie.
En opposition, on nomme haplométrose le mode de fondation par lequel une gyne seule va fonder sa colonie sans aide extérieure (pour à la fin aboutir à une monogynie, ou adopter ultérieurement de nouvelles reines pour former une polygynie secondaire).
Chaque espèce suit une forme de fondation qui lui est propre. En France métropolitaine, la majorité des fourmis fonde de manière indépendante et claustrale en haplométrose (la gyne ne sort pas de sa loge et nourrit son couvain avec ses réserves jusqu’à l’arrivée des premières ouvrières, elle n’est pas accompagnée par d’autres gynes de la même espèce pour fonder). Cependant, pour préparer une installation qui permettra à la gyne de fonder, il vous faudra connaître son mode de fondation. Ainsi, nous vous conseillons de lire la fiche d’élevage de votre espèce ou de demander l’avis de passionnés plus expérimentés dans le but de maximiser vos chances de réussite.

Pour la fondation chez la grande majorité des espèces, la méthode la plus utilisée et la plus simple qui a été adoptée par tous les éleveurs est celle du tube à essai avec réserve d’eau. Polyvalent, facilement stockable et transportable, le tube à essai sera un outil parfait qui permettra à une gyne de se sentir comme dans sa galerie afin de la faire fonder le plus simplement possible. La fondation est parfois longue, il arrive également que les gynes ne pondent qu’après avoir réalisé une diapause (“hibernation” chez les fourmis). Alors soyez patient, laissez votre gyne tranquille et profitez de cette période pour préparer l’arrivée des premières ouvrières.

Prenez un tube à essai de diamètre 15 à 20 mm, remplissez le tube d’eau minérale aux 2/3 puis insérez une boule de coton tassée et bien épaisse jusqu’à atteindre l’eau, insérez la gyne puis fermez le tube avec un autre morceau de coton. Ensuite il vous suffira d’enrouler votre tube dans un papier d’aluminium pour que la fourmi soit dans le noir et de poser ce tube dans un endroit calme à l’abri de la lumière, de la chaleur et les vibrations. Pas d’inquiétude si la pièce est un peu bruyante, les fourmis n’entendent pas le son, elles ne ressentent que les vibrations. Si l’espèce que vous avez choisi a un mode de fondation claustrale, le travail s’arrête là, laissez le tube tranquille, ne nourrissez pas la fourmi durant cette période de “gestation” et ne la regardez que très rarement pendant 6/7 semaines.

A noter que, durant de nombreuses années, les éleveurs ont pensé qu’il ne fallait pas nourrir les gynes “claustrales” avant l’arrivée des premières ouvrières, les reines ayant théoriquement assez de réserves pour vivre jusqu’à la naissance des premières ouvrières. Cependant les dernières observations tendent à croire que nourrir la gyne avec du liquide sucré juste avant la mise en tube serait une bonne méthode pour maximiser les chances de réussite.

Tube à essai préparé afin d’accueillir une fondation. Photographie : One Ants.
 

En revanche, si votre espèce a un mode de fondation semi-claustrale, vous allez devoir nourrir votre fourmi 2 à 3 fois par semaine avec du liquide sucré et des insectes morts durant la fondation. Il serait très stressant pour votre gyne de nourrir directement dans le tube. Pour pallier à ce problème, les éleveurs ont trouver une solution : relier le tube enroulé dans de l’aluminium à une “aire de chasse (ADC)“. C’est-à-dire une zone extérieure au nid dans laquelle la fourmi peut se balader librement en quête de nourriture. (Chapitre IV pour apprendre à la confectionner).

Tube à essai dans une aire de chasse. Photographie : One Ants.

Chapitre III : L’alimentation d’une colonie.

Vous venez de récupérer votre première gyne semi-claustrale et vous avez déterminé à quelle espèce celle-ci appartient ? Vos premières ouvrières viennent de naître ? Maintenant la question la plus importante qui va vous tourmenter l’esprit pendant de longues heures est « Mes fourmis, elles mangent quoi ? ».

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est important de faire un peu de vulgarisation. Les cellules des fourmis, comme chez l’homme, ont besoin des macronutriments, ils sont aussi connus sous le nom de protéines, glucides et lipides. Chacun de ces macronutriments a un rôle bien précis dans les cellules des fourmis. Les protéines sont les éléments de base dans l’expression de l’ADN, l’activité enzymatique (exemple : venin des ponérines) et la composition cellulaire. Les glucides prennent de nombreux rôles mais le plus notable est la production d’énergie cellulaire essentielle à la vie active de nos fourmis. Enfin les lipides, composants principaux de la structure cellulaire, possèdent un rôle hormonal majeur chez les fourmis. Aux côtés des macronutriments, on retrouve les micronutriments ; ceux-ci sont nombreux, et regroupent les vitamines et sels minéraux essentiels à la vie cellulaire. Ils sont plus difficiles à quantifier dans la nutrition en élevage mais tout aussi nécessaires. Pour bien nourrir vos fourmis, il est donc d’une importance majeure d’obtenir un équilibre alimentaire entre ces macronutriments et micronutriments. En clair, comme pour n’importe quel animal, vos fourmis vont avoir besoin d’un régime alimentaire équilibré et surtout adapté à l’espèce.

Photographie : hffbu.

Le miellat :

Le meilleur moyen de faire un apport en glucide rapide à vos fourmis est l’utilisation de miellat. Le miellat est généralement un mélange d’eau avec une substance sucrée. Première erreur observée chez les débutants, le miellat “eau + sucre”. En aucun cas, les fourmis dans la nature (in natura) ne se contentent que d’une unique source de glucides. De plus, l’utilisation prolongée et unique de ce miellat d’eau accompagné de sucre aboutit à des carences importantes chez vos fourmis et peut amener à un développement lent et à une mort progressive de votre colonie. Un miellat de qualité est un miellat le plus complet possible. Ainsi, un miellat de ce type ne doit être utilisé que chez de rares espèces tropicales et ne doit en aucun cas être une généralité.

Comment composer son miellat ?

En premier lieu, il faut choisir la base liquide de votre miellat. Vous aurez de nombreux choix, le plus simple est l’eau minérale (préférable à l’eau du robinet pour sa composition plus importante en sels minéraux dissous), mais il est possible d’utiliser toute autre substance comestible suffisamment liquide pour y dissoudre ensuite vos aliments sucrés. Il est parfois conseillé d’ajouter dans le pseudo-miellat des liquides protéinés tels que le lait ; cette alternative est en réalité à éviter, puisqu’il vaut mieux séparer autant que possible les aliments sucrés et protéinés. En effet, une fois ces sources de nourriture mélangées, les ouvrières ne seront plus capables de les séparer elles-mêmes ; or, elles ne sont pas destinées aux mêmes individus dans la colonie (les aliments sucrés étant plutôt consommés par les adultes, là où les protéines reviendront avant tout aux larves et dans une moindre mesure aux reines), et leur distribution en un liquide unique pourrait être susceptible de conduire à des mortalités prématurées chez les ouvrières.

Dans un deuxième temps, on ajoutera plusieurs substances sucrées, afin de les dissoudre dans votre base liquide. Il existe des milliers de mélanges possibles, on ne rentrera pas dans le détail de chacun mais plutôt comment choisir de bonnes substances sucrées. Règle très simple mais pourtant très importante : moins un produit est transformé par la main de l’homme, plus il sera sûr pour vos fourmis. Favorisez donc le miel (bio), sirop d’agave, sirop d’érable, sirop naturel, sucre roux, etc. au sucre blanc et sirop industriel. Mélangez ces sources de sucre dans votre miellat afin qu’il apporte la plus grande diversité possible de glucides. Enfin l’ajout de compléments en micronutriments sous forme de gelée royale, pollen, vitamines en poudre, spiruline ou protéines d’insectes broyés sera la touche qui donnera toute sa majesté à votre miellat final, mais cela n’est pas obligatoire.

Ouvrière de Cataglyphis rosenhaueri s’abreuvant de liquide sucré. Photographie : hffbu.

Comment distribuer le miellat ?

Il est fortement conseillé d’imbiber un coton de miellat pour le nourrissage, notamment pour les espèces de petite taille et les fondations, ceci dans le but d’éviter les noyades et de limiter l’évaporation. D’autres dispositifs comme des abreuvoirs avec réserve sont également utilisés en élevage pour proposer du liquide sucré en grande quantité et pendant une période prolongée. Dans la nature, les ouvrières fourragent dès que possible, leur donner accès à un miellat en continu est un bonus non négligeable pour vos colonies à partir du moment où elles ont une aire de chasse suffisamment grande pour ne pas être stressées par l’ajout de nourriture. Pour autant, le miellat a tendance à sécher plutôt vite à l’air libre, il est donc intéressant d’utiliser d’autres sources de glucides en parallèle surtout lorsque vous êtes absent.

Ouvrières de Cataglyphis iberica s’alimentant dans un abreuvoir. Photographie : hffbu.

Autres sources de glucides :

Qui dit alimentation de qualité, dit alimentation variée !
Aux côtés de votre miellat, il est bénéfique de déposer dans l’ADC des fruits trop mûres (bio). Ceux-ci seront souvent léchés par vos fourmis. Ils sont riches en fructose (sucre naturel facilement assimilable par les fourmis), mais aussi en vitamines. Ils permettent ainsi de faire de l’enrichissement pour vous fourmis, autrement dit les occuper pour exalter leur comportement naturel. Attention lors de l’utilisation des fruits, leur peau est souvent recouverte de pesticides. Favoriser les fruits bio, ou ceux dont vous connaissez la provenance. N’hésitez pas à varier les fruits, certains plairont plus que d’autres en fonction de l’espèce de vos fourmis.

Comment parlez de la nutrition des fourmis, sans parlez des Beetle jelly ? Ce sont des gelées protéinées commercialisées en terrariophilie afin de nourrir les coléoptères adultes. Il existe différentes compositions et parfums, allant du sucre roux à la banane. Elles ont l’avantage de pouvoir rester plusieurs jours sans sécher dans l’ADC et de faire un apport complet à vos fourmis en plus du miellat, notamment en protéines pour les espèces timides qui rechignent les insectes. Si vous deviez vous tournez vers un seul type de Beetle jelly, nous vous conseillerons celles spécialement conçues pour les scarabées japonais. Elles sont blanches, et bien que moins sucrées, possèdent un plus large spectre en acides aminés et vitamines. Elles sont utilisées au Japon pour l’élevage de dynastes et de lucanes, elles ont l’avantage de sécher bien moins vite que leurs concurrentes et d’être le meilleur compromis pour un apport continu parallèle au miellat. Sinon, vous pouvez également en faire vous-même avec de l’agar-agar et de la spiruline. Un autre produit également utilisé en terrariophilie et très utile en myrmécologie est le Repashy : une compote très riche et très sucrée souvent appréciée des fourmis.

Remarque : Il se peut que vous ne voyez pas vos fourmis se nourrir, mais cela ne signifie pas qu’elles ne le font pas. En effet, comme il n’y a à ce stade de développement de la colonie que peu d’ouvrières et de couvain, leurs besoins en nourriture sont très faibles et leurs sorties dans l’aire de fourragement ne sont que peu fréquentes. Si vos fourmis appartiennent à une espèce consommatrice de liquides sucrés, une solution très simple pour savoir si elles s’alimentent correctement est de repérer leur physogastrie. Il s’agit d’un étirement du gastre d’une fourmi pour stocker de la nourriture sous forme liquide, il se repère grâce à des rayures translucides sur le gastre.

Major de Camponotus irritans physogastre. Photographie : Gaspacho.

Les protéines et lipides :

Dans la nature, les fourmis sont opportunistes, c’est-à-dire que la moindre source de nourriture leur convient pour peu qu’elle demande peu d’effort individuel pour être récoltée. Elles jouent un rôle majeur dans les écosystèmes en se nourrissant des cadavres d’insectes et animaux morts. Ce comportement leur permet d’avoir accès facilement à une grande quantité d’aliments. Les protéines ainsi récoltées servent en grande partie à nourrir les larves de la colonie afin de permettre leur développement. Les biologistes estiment qu’il y a 7,7 millions d’espèces vivantes sur Terre dont des milliers seraient consommés par des fourmis, dresser précisément une “liste de courses” pour vos fourmis serait donc impossible. Mais une chose est certaine, les fourmis ne se nourrissent pas des cadavres d’une unique espèce d’insecte. Il faut donc varier les aliments que vous leur proposez !

Comment donnez des insectes à mes fourmis ?

Il est possible d’aller chercher des insectes dans votre jardin, la grande majorité des insectes sera accepté par vos fourmis. Un code qui vous sera bien utile sera d’éviter les insectes avec des couleurs chaudes (rouge ou orange), les papillons, les coléoptères et les hyménoptères (abeilles, guêpes, frelons…). Mais il est conseillé de congeler 24 à 48 h tout animal extérieur afin d’éviter l’arrivée d’acariens ou de maladies dans votre colonie souvent peu exposée à ce type de pathologie et donc plus sujette à des complications. Point négatif de cette technique, les insectes décongelés sont très souvent rechignés par les fourmis en plus de perdre en valeur nutritive. Il est donc préférable de vous tourner vers l’élevage nourricier ou alors d’aller régulièrement en animalerie faire un stock pour vos fourmis.

Diverses mouches telles que les drosophiles sont souvent particulièrement appréciées par les fourmis. Photographie : hffbu.

Aujourd’hui en terrariophilie, de nombreux insectes sont élevés dans un but nourricier. On y retrouve des larves de coléoptères comme Tenebrio molitor (“vers de farine”), Zophobas morio (“vers morio”), ou encore Pachnoda marginata (“Dolas”). Des insectes chantants comme des grillons ou criquets, des insectes volants tels que des drosophiles ou des mouches, et même des blattes comme les Shelfordella lateralis (“Red runner”) ou Blaptica dubia (“Blatte dubia”). Les insectes cités précédemment sont facilement trouvables en animalerie afin d’initier un élevage nourricier à destination de vos fourmis. Les fourmis vont se nourrir principalement de l’hémolymphe (équivalent du sang) contenue dans les insectes que vous leur donnerez, c’est pourquoi elles auront une préférence pour les insectes fraîchement tués. Une fois que vous aurez choisi quel insecte leur donner, il faut savoir le préparer. Rien de compliqué : coupez l’insecte en plusieurs morceaux à l’aide d’une paire de ciseaux. En effet, certains insectes comme les vers de farine possèdent (comme les fourmis) un exosquelette difficile à percer pour les fourmis. Veillez à varier les insectes proposés.

Tableau récapitulatif des valeurs nutritives de plusieurs espèces couramment utilisées comment source de nourriture.

D’autres sources de protéines comme de l’œuf, de la viande, du poisson, des crustacés ou des paillettes pour poissons pourront également être proposées occasionnellement, mais veillez à ce que ces aliments ne pourrissent pas dans l’aire de chasse.

Régimes alimentaires particuliers :

Certaines espèces fréquemment rencontrées en élevage pourront avoir un régime particulier : graines, feuilles, couvain d’autres fourmis, proies spécifiques… Dans ces cas particuliers nous vous invitons à consulter nos fiches d’élevages. Gardez cependant à l’esprit que certains de ces régimes pourraient être contraignants sur le long terme.
Comme toujours, favorisez les circuits courts, les aliments peu transformés et éventuellement les aliments BIO car ils ne contiennent pas de pesticides, nocifs pour les insectes et donc pour les fourmis.

Chapitre IV : Chauffage, Hygrométrie, Set-up, Luminosité et Diapause.

En plus d’une alimentation adaptée et équilibrée, chaque espèce de fourmi nécessite des conditions de maintien qui lui sont propres, ces conditions se caractérisent sous plusieurs termes :

  • l’hygrométrie : la proportion d’eau contenue dans l’air de la fourmilière, ou la proportion de surface humidifiée dans le nid.
  • la température : la chaleur interne et externe du nid.
  • le set-up (ou installation) : les différents éléments constituant l’installation dans laquelle vous maintenez vos fourmis.
  • la luminosité : l’intensité lumineuse à l’intérieur et à l’extérieur du nid.
  • la diapause : un équivalent de l’hibernation chez les insectes, souvent nécessaire, elle induit des modifications durables dans le comportement, l’espérance de vie et le développement d’une colonie.

Hygrométrie : Toutes les fourmis ne vivent pas dans les mêmes biotopes. Ainsi l’accès à l’eau sous forme
liquide et gazeuse diffère en fonction des espèces et cela impacte leur besoin ainsi que la
quantité d’eau nécessaire à leur survie. Attention, les apparences peuvent être trompeuses, des fourmis vivants dans un environnement vraisemblablement sec peuvent demander une hygrométrie importante car, sans que vous le remarquiez, le sol du milieu peut être très humide (la réciproque est vraie également) . Ainsi nous vous conseillons de consulter nos fiches ainsi que d’autres éleveurs pour connaître les besoins de vos fourmis.

Les nids artificiels dans lesquels sont élevées les fourmis possèdent normalement une ou plusieurs réserves dans lesquelles on peut ajouter de l’eau déminéralisée pour humidifier les différentes salles du nid. En fonction des besoins de votre espèce, il faudra remplir ces réserves une ou plusieurs fois par semaine.
Une fourmilière est constituée de 2 parties hygrométriques : une zone sèche et une zone humide, cela crée un gradient hygrométrique qui permet aux fourmis de choisir la zone qu’il leur convient. En tube les fourmis réguleront elles-mêmes l’hygrométrie tant que la réserve d’eau ne sera pas sèche.

On qualifie de xérophile les espèces de fourmis ne nécessitant pas d’hygrométrie dans leur nid tandis que l’on dit hydrophile les espèces nécessitant beaucoup d’eau dans leur fourmilière.

En plus d’une hygrométrie adaptée à votre espèce, nous conseillons d’ajouter en complément un abreuvoir avec de l’eau minérale dans l’abreuvoir de vos fourmis. Cela leur permettra d’aller se désaltérer en-cas de besoin et ce sera une source de stress en moins pour les éleveurs oubliant parfois d’humidifier leur module.

Température : Toutes les espèces de fourmis n’ont pas les mêmes besoins thermiques. Certaines espèces
vont demander un chauffage tandis que d’autres se satisferont de la température ambiante
d’une maison.

Les espèces nécessitant d’être chauffées requièrent du matériel de terrariophilie pour
augmenter la température du nid. Cependant il ne sera pas nécessaire d’investir dans des dispositifs de taille conséquente et onéreuse pour des fourmis. Un tapis chauffant de 5 à 7W fera parfaitement l’affaire et aura l’avantage de ne pas nécessiter de thermostat grâce à sa faible consommation et puissance thermique.

A la manière de l’humidification d’un nid, il vous faudra créer un gradient thermique dans le nid avec un point chaud et un point “froid” à température ambiante. Par conséquent nous recommandons de ne chauffer que la moitié du nid ou du tube.
Attention à ne pas surchauffer le nid et à vérifier régulièrement la température émise par votre dispositif de chauffage.

Si la chaleur a un effet positif dans le développement du couvain chez les espèces dites
thermophiles“, elle peut également nuire à la colonie si elle est trop importante.

 

Le set-up : Les fourmis n’ayant pas toutes les mêmes besoins, elles ne nécessitent donc pas toutes la même installation. La conception d’une installation adaptée est une tâche souvent complexe que nous n’aborderons pas dans ce guide. Nous vous invitons donc à lire les guides de construction de nids, du terrarium (à venir) ainsi que nos fiches pour vous aider dans votre démarche.

 

La luminosité : Excepté quelques rares espèces, les fourmis ne nécessitent pas de lumière pour vivre. L’exposition prolongée aux UV du soleil est d’ailleurs un facteur dangereux et mutagène pour le couvain d’une colonie. Dans la nature et particulièrement dans les périodes chaudes, les colonies sont plus actives la nuit, bien que la majorité des espèces soit également diurne.
Contrairement à une idée reçue très répandue, il n’est pas possible d’habituer sa colonie à la lumière. Vous aurez donc besoin de garder votre fourmilière (et non votre ADC) dans la pénombre quand vous ne l’observerez pas, cela à l’aide d’un cache en plastique, en carton, ou en aluminium. Attention à ne pas trop observer vos colonies, surtout lorsqu’elles sont au stade de fondation ou de petites colonies, car cela peut les stresser et ralentir leur développement voire les tuer.

Chapitre V : Le maintien d’une colonie à long terme.

 

Chapitre VI : Pour une myrmécologie plus durable.

Ce guide est en construction, revenez plus tard !

 

Photographie de couverture du guide : Triturus.

 

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